La pédagogie, comprise ici dans son acception la plus générale, s’inscrit dans des temps multiples qui contribuent à la (re)définir. Les manières de vivre et de penser la pédagogie étant intimement liées aux manières de vivre et de penser l’éducation et les formes de la transmission, on pourrait penser que l’histoire de la pédagogie a naturellement pris la forme d’une « anthropologie historique » au sens où l’entendait Marshall Sahlins, à savoir « faire éclater le concept d’histoire à partir de l’expérience anthropologique de la culture » (cité par Hartog, 2012, p. 45). Ce n’est pas véritablement ainsi qu’elle s’est construite, empruntant massivement à la conception traditionnelle d’une histoire chronologique, divisée selon une périodicité classique, et souvent limitée au monde occidental, réduit à l’Antiquité grecque et romaine et à la France. C’est donc une histoire qui s’étend sur des temps plus ou moins longs, dans des espaces limités, et qui ne prend guère en compte la culture des individus et les temporalités propres des sociétés concernées. C’est une histoire méthodiquement construite, adoptant souvent une conception évolutionniste, dont on peut tirer les leçons, et où les grands pédagogues sont souvent « panthéonisés ». Mais justement, de quoi et pour quoi faire l’histoire ? Doit-on distinguer la pédagogie de l’éducation, traiter des faits ou traiter des doctrines, dresser le portrait des pédagogues ou privilégier les courants ? Faut-il considérer les idées pédagogiques comme un patrimoine éducatif ? Peut-on attendre de l’histoire qu’elle fournisse des vérités durables et des arguments « définitifs » pour l’amélioration de l’enseignement ? Ces questions ne sont pas nouvelles. Les historiens se les sont eux-mêmes posées, et y ont pour partie répondu. Voyons donc comment ils ont pensé cette histoire, et comment ils l’ont faite. Nous n’avons ici aucune prétention à l’exhaustivité. Nous nous contenterons d’observer quelques - unes de ces « histoires » et la manière dont leurs auteurs ont, à travers elles, pensé (construit) la pédagogie.
1. L’histoire de la pédagogie selon Compayré
On peut considérer Gabriel Compayré comme le père de l’histoire moderne de la pédagogie1. Chargé de cours à la Faculté des Lettres de Toulouse, il traite d’éducation dans son cours de philosophie dès 1874 et le consacre à l’histoire des doctrines de l’éducation. Auteur quelques années plus tard d’une Histoire critique des doctrines de l’éducation en France (1879), il propose dans le dernier chapitre une « Esquisse d’une théorie de l’éducation » ou l’histoire occupe la première place (avant la psychologie). Dans l’introduction à son Histoire de la pédagogie publiée deux ans plus tard, il en limite pourtant l’ambition par rapport à l’histoire de l’éducation, qui nécessite d’embrasser « le tableau entier de la culture intellectuelle et de la culture morale des hommes », alors que « Tout autre est le but restreint et modeste d’une histoire de la pédagogie qui prétend seulement exposer les doctrines et les méthodes des maîtres de l’éducation proprement dite » (Compayré, [s.d.], p. X). Mais comment écrire cette histoire ? Plutôt que d’étudier les grands pédagogues et leurs doctrines, les grands professeurs et leurs méthodes, ne pourrait-on pas étudier les élèves eux-mêmes et partir par exemple la biographie des « individus remarquables » ? Une micro-histoire en quelques sorte qui ne viserait pas à découvrir des vérités générales, mais des moyens pratiques » et des méthodes vivantes » (id., p. XII). Tableau d’une manière idéale de faire l’histoire, dont Compayré assure s’être rapproché, s’interrogeant sur les principales idées philosophiques et morales qui ont inspiré les pédagogues, « essayant de ne rien omettre d’essentiel », alternant esquisses et portraits approfondis, mêlant exposition des doctrines, analyses d’ouvrages et étude des méthodes pratiques, « pénétrant enfin dans la pensée des grands éducateurs » (ibid., p. XII).
Mais comment s’y retrouver dans ce vaste ensemble de questions, de penseurs et de traités : en séparant les domaines (éducation physique, morale, intellectuelle), en distinguant les doctrines et les principales tendances (ascétisme, utilitarisme, scientisme…), ou plus prosaïquement en respectant l’ordre chronologique et en étudiant successivement l’Antiquité, le Moyen-âge, la Renaissance, les temps modernes ? Si cette dernière option retient l’assentiment de Compayré, ce n’est pas seulement pour sa simplicité, c’est aussi – surtout ? – parce qu’il nous montre « le progrès de la pédagogie s’élevant peu à peu de l’instinct à la réflexion, de la nature à l’art, et, à travers de longs tâtonnements, après nombre d’étapes, s’élevant de ses humbles débuts à une organisation complète et définitive » (op. cit., p. XIII). La conception de l’histoire est ici clairement évolutionniste, reposant sur l’idée d’un ordre immanent de l’histoire et le progrès continu de l’esprit humain (largement influencé par le positivisme ambiant), la pédagogie suivant une trajectoire forcément ascendante, menant à une « théorie rationnelle de l’éducation »2, et garantissant un progrès inéluctable de l’enseignement.
L’utilité de l’histoire de la pédagogie ne peut donc être mise en doute. Outre qu’elle est une introduction à l’histoire plus générale de la pensée (comment détacher l’Émile de toute la pensée du siècle des Lumières, ne serait-ce que par la manière dont il s’en distingue ?), elle est nécessaire à la pédagogie elle-même. La tâche essentielle, pour Compayré, tient moins à chercher des idées nouvelles, qu’à éclaircir, à analyser (erreurs autant que réussites), à généraliser ce qui a déjà été fait et pensé : « A vrai dire, pour qui connaît à fond les grands pédagogues des siècles passés, la pédagogie est plus qu’à moitié faite. Il ne reste qu’à coordonner les vérités éparses qu’on a recueillies dans leurs œuvres en se les appropriant par la réflexion personnelle, en les fécondant par l’analyse psychologique et la foi morale » ([s.d.], p. XIV). Á ce titre, l’histoire de la pédagogie est aussi utile que la pédagogie elle-même, même s’« il ne faut pas en abuser, ni lui attribuer une vertu souveraine et toute puissante qu’elle n’a pas » (id., p. XVI).
De l’éducation dans l’Antiquité (chez les Hindous, les chinois, les israélites), à Pestalozzi et à ses continuateurs au XIXe siècle, en passant par l’Antiquité grecque et romaine, les premiers chrétiens et le Moyen Age, la Renaissance et les congrégations enseignantes (jésuites et jansénistes), mais aussi l’éducation des femmes et la pédagogie féminine, la science de l’éducation, etc., l’histoire de la pédagogie est donc une histoire totale, véritable hymne à la pédagogie (et à la science), et acte de foi dans l’éducation et l’avenir de l’humanité. « Funestes ambigüités du moment Compayré » affirmera cependant N. Charbonnel, pour qui cette période de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, est à la fois l’apogée et le révélateur de la faiblesse constitutionnelle de la pensée de l’éducation. En inventant l’histoire de la pédagogie, les hommes du moment Compayré auraient contribué à fonder la pédagogie comme Science de l’éducation : « Pédagogie et histoire de la pédagogie se soutiennent mutuellement ; on est fondé à croire que la première existe puisque la seconde part à la recherche de ses origines » (Charbonnel, 1988, p. 127). Réduite à la formation professionnelle tout au long du XXe siècle, enfermée dans les Écoles Normales et portée par des « non-historiens », l’histoire de la pédagogie porterait en elle sa propre mort, réduite à n’être écrite que sur le mode de la célébration ou du pamphlet, « l’enthousiasme au cœur ou la férule à la main » (id., p. 128). Parmi ces tares constitutives de l’histoire de la pédagogie, outre l’évolutionnisme évoqué plus haut, la « ferveur anhistorique » envers les ancêtres, les précurseurs (Rousseau le fondateur de la pédagogie moderne), « l’appréhension des doctrines comme des agrégats de “traits” » (croyances, injonctions, affirmations, opinions), l’exagération appliquée aux auteurs comme seul argument critique.
Violente attaque donc contre la manière dont l’histoire de la pédagogie a pu être menée jusqu’aux années 1980, où les « historiens professionnels » ont réinvesti l’histoire de l’éducation… mais en abandonnant totalement l’histoire de la (des) pédagogie(s). Prônant un retour à Foucault et à une histoire des idées pédagogiques qui se recentre sur les « discours-objets », Charbonnel propose « une histoire conceptuelle du pédagogique » (et non plus de la pédagogie), étant entendu que seule « la compréhension de la rationalité de cette irrationalité [celle de l’éducation], […] peut guider les pas de qui s’attacherait à cette nouvelle histoire du pédagogique » (id., p. 143). Une histoire qui ne peut se passer d’une théorie du discours pédagogique, « c’est-à-dire du langage et de l’écriture par quoi seuls se manifestent les doctrines de l’éducation » (ibid., p. 144). Vaste projet qui ne peut être mené qu’accompagné d’une « critique de la raison éducative », permettant de créer les conditions de possibilité d’une pensée et d’une histoire du pédagogique.
2. Les fresques amples et audacieuses du XXe siècle
« Une fresque ample et audacieuse qui court le long de dix siècles d’histoire ». C’est en ces termes que Maurice Halbwachs présente l’ouvrage de Durkheim consacré à L’évolution pédagogique en France. Tiré d’un cours fait par Durkheim en 1904-1905 et repris jusqu’à la guerre, ce cours fait suite à la réforme de 1902 et préparait, dans l’esprit de son auteur, les transformations à venir de l’enseignement secondaire. S’il y a donc « un intérêt pédagogique » à cette histoire de l’enseignement secondaire en France, sa portée est aussi clairement politique. La conclusion de l’ouvrage quant à elle (ses deux derniers chapitres sur « l’enseignement de l’homme » et « l’enseignement de la nature : les sciences »), propose selon Halbwachs une « doctrine pédagogique à la fois positive et systématique » qui ouvre la perspective historique sur une réflexion philosophico-morale bien plus large (1990, p. 5). Loin d’être un travail de « pur » historien, cette histoire est donc celle d’un sociologue engagé… et d’un défenseur de la pédagogie, entendue comme une réflexion méthodique sur les « problèmes de l’éducation »3. Pour Durkheim, « Il n’y a rien de plus urgent que d’aider les futurs maîtres de nos lycées à se faire collectivement une opinion sur ce que doit devenir l’enseignement dont ils auront la responsabilité, les fins qu’il doit poursuivre, les méthodes qu’il doit employer » (1990, p. 14-15). L’entreprise historique est clairement de nature à répondre « aux questions qui se posent », sachant qu’il n’y a pas de type d’enseignement immuable et que ceux-ci dépendent de l’état de la société à un moment donné. Mais ce n’est pas « l’homme d’un instant, […] qu’il nous faut connaître, c’est l’homme dans sa totalité » (id., p. 19). C’est pourquoi, « au lieu de nous enfermer dans notre époque, il nous faut, au contraire, en sortir, afin de nous échapper à nous-mêmes, à nos vues étroites et partielles. Et c’est précisément à quoi doit servir l’étude historique de l’enseignement » (ibid., p. 19-20). Eclairer le présent, tel est donc le but premier de l’histoire. De l’église primitive aux plans d’études du XIXe siècle, la fresque est vaste et l’histoire partiellement révisée, comme Durkheim d’ailleurs le revendique, qu’il s’agisse du discrédit exagéré de l’éducation scolastique du Moyen Age, ou de la domination de la conception aristocratique ou esthétique de l’éducation à la Renaissance. Cette posture critique clairement assumée est à mettre au crédit de Durkheim, fût-elle parfois insuffisamment étayée et idéologiquement guidée. Le travail de l’historien est ici un travail délibérément engagé qui débouche sur une réflexion pédagogique personnelle à propos de la question : « comment enseigner au collège l’homme et les choses humaines » (op.cit., p. 368). A défaut d’un développement suffisant des sciences psychologiques et sociales permettant de mieux connaître la nature humaine, c’est donc à l’histoire qu’il faut recourir.
Bien qu’il ait écrit dans la Préface de son Traité de pédagogie générale, que « la pédagogie est donc une partie de la philosophie » et qu’il ait plus loin fait de la philosophie de l’esprit le fondement de la pédagogie (Hubert, 1946, p. VIII et 179), René Hubert place son Histoire de la pédagogie sous le signe de la sociologie, chaque système d’éducation étant, « comme dit Durkheim, la résultante d’états sociaux déterminés et en harmonie avec eux, parce qu’il concrétisait et vérifiait l’idéal que la société où il s’instituait se faisait de l’homme » (Hubert, 1949, p. 4). Dans sa Préface, l’auteur affirme vouloir revisiter « le travail de Compayré, très solide dans le détail, [mais] vieilli et d’ailleurs limité à la pédagogie française » (id., p. VII). Son Histoire n’est pas complète ni exhaustive, « c’est là l’affaire des érudits », mais elle n’en est pas moins utile pour les éducateurs d’abord, pour les philosophes ensuite, puisqu’elle est, à sa façon, « une histoire de l’esprit humain ». Base de la sociologie culturelle, « elle corrobore la foi [dans l’esprit humain] dans sa valeur et dans sa destinée » (ibid., p. VIII). Dès le début de son livre, Hubert affirme ne pas avoir l’intention d’écrire « une histoire de la pédagogie, faits ou doctrines » et regrette qu’on ne puisse passer du point de vue historique au point de vue de la « sociologie éducationnelle comparée » qui, à défaut « de prouver expérimentalement qu’il y a une courbe définie de l’évolution pédagogique à travers les siècles ou tout au moins de découvrir des indices consistants de son existence […] à tout le moins permettrait-elle d’établir le relation qui unit les doctrines de l’éducation aux faits pédagogiques » (op. cit., p. 5). A la fin de son ouvrage, Hubert se défend cependant de toute conception évolutionniste ou positiviste, les types ou institutions pédagogiques ne pouvant être étudiées qu’à l’aune des conceptions de l’homme et des fins assignées à l’éducation, dont chaque société est porteuse. De fait, Hubert sépare faits et doctrines dans son ouvrage, la première partie, « les faits pédagogiques », étant traités sous forme de types anciens (de l’initiation rituelle chez les primitifs à l’éducation théologique et scolastique du Moyen Age, en passant par l’éducation en Chine et dans l’Antiquité) et modernes (du XVIe au XIXe) et « de quelques institutions pédagogiques nouvelles à l’époque contemporaine dans différents pays (Russie, Allemagne, Italie, Angleterre, France) ; la deuxième partie est consacrée à la présentation des doctrines pédagogiques, antiques, modernes), de philosophes et « des représentants des tendances les plus caractéristiques [de la pédagogie contemporaine] en même temps que des mouvements propres aux différents pays du monde » soit Durkheim, James, Dewey, Gentile, Kerschensteiner, Carrel [!] et Huxley, plutôt que « les psychologues et praticiens de l’éducation […] dont les idées doctrinales font davantage corps avec les applications qu’ils ont faites » et qui ont nom Montessori, Decroly, Ferrière, Claparède, Binet, Bovet, Key, Gurlitt, Wyneken… (Hubert, 1949, p. 311). Hubert reconnaît sans conteste une fonction particulière aux doctrines pédagogiques, celle de « retrouver l’humain » et d’anticiper le futur, voire de rénover la conception de l’homme. Les doctrines contemporaines ont par exemple pour but d’assurer l’emprise des sciences (biologie, histoire, psychologie, sociologie) sur l’éducation de l’homme. Si toutes doivent être mises à contribution pour Hubert, reprenant à son compte le précepte positiviste (« savoir, afin de prévoir et de pourvoir » [sic]), c’est en dernier lieu « à la philosophie qu’appartient l’unification de l’homme corps, société, esprit » (id., p. 373).
Debesse et Mialaret ont dirigé une étude de même nature, également vaste et ambitieuse, puisque leur Histoire de la pédagogie va de l’Antiquité (depuis même ses origines orientales), jusqu’à l’époque contemporaine. Cet important ouvrage, deuxième de la série du Traité des sciences pédagogiques après l’ouvrage introductif – ce qui en situe l’importance aux yeux des auteurs - fut publié en 1971. Il est introduit par un texte de Debesse qui en précise tout de suite la portée : moins large qu’une histoire de l’éducation, cette histoire de la pédagogie se limitera à l’histoire des institutions, des doctrines et des méthodes d’enseignement. Elle prétend appliquer les « règles de la méthode historique » et se fixe pour objectif de « rendre plus intelligible la pédagogie actuelle par la connaissance du passé » (Debesse, 1971, p. 6). Autrement dit, « la “leçon du passé” est une expérience qui doit aider les éducateurs à éviter les erreurs commises, et à promouvoir les réformes pédagogiques » (id., p. 7). L’histoire de la pédagogie comme outil au service des enseignants et pour l’amélioration du système éducatif. Une « science d’action » donc, comme le revendique Debesse, ou à tout le moins, pour l’action. Une science qui met en garde contre l’illusion rétrospective qui consisterait « à monter en épingle des ressemblances fortuites, des analogies artificielles entre un passé lointain et ce qu’on observe à l’heure présente », et qui prévient toute « précursorite », cette tendance « à trouver des précurseurs aux mouvements pédagogiques actuels, des modèles historiques aux courants éducatifs les plus récents » (ibid., p. 8). De l’histoire de la pédagogie, on doit donc, selon Debesse, attendre qu’elle permette « surtout de dégager les conditions historiques qui éclairent l’évolution des doctrines et des pratiques éducatives » (op.cit., p. 9). Outre l’état encore lacunaire des connaissances, une des principales difficultés rencontrées par l’histoire de la pédagogie vient de ce qu’elle doit traiter de deux domaines a priori très différents : celui de la pensée pédagogique d’une part, celui des pratiques pédagogiques de l’autre, la question étant de savoir s’il est préférable ou non de les dissocier. Malgré les décalages souvent observés entre faits et théories ou pratiques et doctrines, la distinction n’en est pas moins relative pour Debesse, « car ils se conditionnent et s’éclairent mutuellement » (1971, 11). Certes, pour Debesse, il ne fait pas de doute que « toute histoire de la pédagogie, quelles que soient ses dimensions et malgré les lacunes de nos connaissances, ne saurait tout dire (id., p. 11), mais à la différence de Hubert, il refuse la dichotomie et sa part d’arbitraire, de même qu’il refuse de limiter a priori son étude et de la limiter à des « types », fussent-ils caractéristiques. Certes nul ne peut prétendre à l’exhaustivité en matière d’histoire, mais introduire des limitations ou des discontinuités artificielles peut conduire à déformer la réalité : « On accorde au type valeur exemplaire, et on n’aboutit qu’à un schéma. […] La valeur didactique du procédé est indéniable, mais sa valeur scientifique est sujette à caution » (ibid., 11). Reste à savoir bien sûr si cette ambition est réalisable, ce dont doute Debesse lui-même, au moment de laisser la main aux co-auteurs.
On voit que la réflexion sur l’histoire de la pédagogie a évolué au cours du XXe siècle, et que les conditions même de l’enquête historique se sont peu à peu professionnalisées, chacune des six grandes périodes de l’Histoire de la pédagogie de Debesse et Mialaret étant par exemple confiée à un « spécialiste » de la période concernée. C’est aussi le parti pris de l’ouvrage plus récent, dirigé par Gauthier et Tardif, sobrement intitulé La pédagogie. Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours (1996) et à laquelle dix collaborateurs ont participé. Moins ambitieux que les précédents, il se présente comme un manuel écrit à des fins de formation, centré sur l’évolution des pratiques et des idées, et qui fait le pari de ne pas occulter les débats pédagogiques ; « une sorte de carte routière, un outil de référence pour orienter sa pensée et éventuellement son agir » (id., p. 5). Notons toutefois que si le discours a logiquement évolué, la forme et le contenu de l’histoire se sont eux, peu transformés : le découpage n’a guère changé, suivant fidèlement l’historiographie classique ; les contenus sont sensiblement les mêmes, les auteurs et textes de référence se répétant à l’envi, les apports nouveaux se situant à la marge, souvent liés au degré de précision auquel s’est contraint l’auteur. L’histoire de la pédagogie serait-elle une éternelle répétition, où bien est-elle appelée à se renouveler et à s’enrichir ailleurs, dans ses marges, sous d’autres formes et dans d’autres lieux ?
3. Le patrimoine des idées et la mémoire des hommes
« Peut-on considérer que les idées pédagogiques constituent un patrimoine éducatif ? ». Telle est, en résumé, la question posée par les initiateurs du colloque organisé en septembre 1998 à Rouen, par le Centre Interdisciplinaire sur les Valeurs, les Idées, les Identités et les Compétences en éducation et en formation (C.I.V.I.I.C.) de Rouen. Supposer que les idées pédagogiques puissent constituer un patrimoine éducatif signifie plusieurs choses selon Houssaye et Dancel dans leur Avertissement : que les idées pédagogiques sont un bien dont on hérite et dont on est propriétaire : qu’elles constituent notre richesse, et s’imposent comme un ensemble de droits et de charges ; qu’elles sont un bien à transmettre, en raison du devoir de mémoire qu’elles imposent ; que ces idées enfin nous constituent puisque « nous sommes ce qu’elles nous ont fait » (CIVIIC, 2002, p. 11).
Plus de trente communications sont réunies dans l’ouvrage, réparties dans les quatre ateliers du colloque : nature, classement et rôles des idées pédagogiques, construction et circulation des idées (approche historique et approche contemporaine), valeur des idées pédagogiques. Ici pas d’organisation chronologique, ni de thématiques renvoyant à des doctrines, mais bien un ensemble de réflexions sur la pédagogie, l’histoire des idées pédagogiques, le travail pédagogique, le savoir pédagogique, les méthodes et les idées, leur élaboration ou leur actualité, leur critique, etc. Dans cette vaste diversité d’objets et de propos, quelle place faire au patrimoine ?
-
Pour Drouin-Hans et Drouin, la notion de patrimoine appliquée aux objets pédagogiques, outre qu’elle suggère l’existence d’un bien immatériel à l’usage de tous, fait de l’idée pédagogique l’élément d’un ensemble à préserver, c’est-à-dire d’une collection, au sens muséologique du terme » (id., p. 53), d’où découle la question de la classification de ces idées et donc de leur inventaire si l’on veut en faire un outil de connaissance.
-
La métaphore du patrimoine ne peut pas s’appliquer à « l’intellectuel collectif » que représente le mouvement de la Pédagogie Freinet affirme Peyronie, pour qui il ne fait pas de doute que la construction et la circulation collective des idées propre à ce mouvement n’a rien à voir avec « l’image de la respectabilité sourcilleuse de l’architecture monumentale, dont une aristocratie culturelle est le garant » (ibid., p. 152).
-
« La notion de patrimoine éducatif a-t-elle un sens ? » s’interroge quant à lui Triby (op. cit., p. 357). Outre que la notion d’idée pédagogique mérite d’être interrogée, on peut se demander si elle peut constituer un patrimoine, c’est-dire une réserve dans laquelle on viendrait puiser. Or les idées ne sont pas éternelles. Existent-elles indépendamment de leur concepteur, des circonstances qui les ont fait naître… et de la reconnaissance qu’on leur accorde ? Si le patrimoine suppose la conservation, qu’en est-il de l’accumulation (la cumulation) des idées, des conditions de leur existence et de leur transmission ?
La notion de patrimoine, nous dit Hartog, bien qu’ayant une existence ancienne dans le droit privé, est d’un usage relativement récent, en particulier dans le domaine de la culture. Désignant « l’archétype du bien approprié », son fondement réside dans la transmission (2012, p. 206). Le patrimoine serait alors un moyen de faire vivre la mémoire, de la maintenir vivante et de la transmettre. Non pas un musée des idées, mais la condition de leur (re)création. Mais de quoi cette prolifération patrimoniale est-elle le signe ? D’une rupture entre un présent et un passé, et la mise en place d’un nouvel ordre du temps : « Le patrimoine est une manière de vivre les césures, de les reconnaître et de les réduire, en repérant, en élisant, en produisant des sémiophores. […] Le patrimoine est un recours pour temps de crise » (id., p. 253). La déclaration d’un patrimoine des idées pédagogiques s’inscrit-elle dans ce mouvement de sauvegarde qui viendrait remplir un futur trop vide, et que les idées du passé viendraient combler ? S’opérerait alors un retournement de la posture optimiste et confiante dans le progrès et le futur qui dominait un siècle auparavant. Dès lors, « ce futur n’est plus un horizon lumineux vers lequel on marche, mais une ligne d’ombre que nous avons mise en mouvement vers nous, tandis que nous semblons piétiner l’aire du présent et ruminer un passé qui ne passe pas » (ibid., p. 256).
Que dire alors de la propension actuelle à dresser la biographie des grands pédagogues ? Parmi ces ouvrages de synthèses biographiques, citons Les Grands socialistes de l’éducation (Dommanget, 1950), Les grands pédagogues (Château, 1956) ou, plus récemment Quinze pédagogues. Leur influence aujourd’hui (Houssaye, 1994), suivi par d’autres ouvrages ou recueils de textes de même nature et qui ont pour titre : Nouveaux pédagogues, Pédagogues contemporains, Premiers pédagogues, Femmes pédagogues, Pédagogues de l’extrême… Que ces publications aient répondu à un besoin où qu’elles l’aient créé est une question secondaire. Le fait est que la forme biographique rencontre un intérêt qui, si l’on en croit Rémi Hess, n’est pas nouveau : il existait avant 1914 des petits ouvrages sur tous les grands pédagogues (cf. Houssaye, 1994, p. 6). Après « l’idole chronologique », « l’idole biographique » aurait pu dire François Simiand, qui voyait dans « l’idole individuelle […] l’habitude invétérée de concevoir l’histoire comme une histoire des individus et non comme une étude des faits, habitude qui entraîne encore communément à ordonner les recherche set les travaux autour d’un homme, et non pas autour d’une institution, d’un phénomène social, d’une relation à établir » (1903, p. 25). Sans dénier tout intérêt à l’étude biographique, qui comble sans doute la grave lacune de la méconnaissance des pédagogues, on mesure les effets de la réduction de la pédagogie aux hommes qui la font. La pédagogie ne serait-elle qu’affaire d’expérience et donc affaire personnelle ? Tout montre au contraire, que si l’expérience d’enseignement est bien, le plus souvent et dans un premier temps, une expérience individuelle, elle ne devient expérience pédagogique, que lorsqu’elle s’est élargie, diffusée, autrement dit lorsqu’elle a fait l’objet d’échanges, de développements, d’ajustements, et d’enracinement. Les pédagogues sont rarement des hommes seuls et la personnification qu’impose la biographie historique peut conduire à une vision réductionniste de la pédagogie, qui lui enlève son épaisseur, c’est-à-dire son ancrage social et culturel, sa dimension collective et militante.
Ajoutons que si la biographie des pédagogues est le plus souvent l’affaire d’historiens professionnels (Château comme Houssaye s’entourent des meilleurs spécialistes des pédagogues retenus), elle est aussi affaire de témoignages personnels, qui lui confèrent parfois une forme plus hagiographique que véritablement historique. C’est le cas de l’histoire de la pédagogie Freinet écrite par Elise Freinet (1962, 1977), dont les historiens ont pu montrer qu’elle était discutable sur certains aspects, elliptique sur d’autres. Sans nier l’intérêt de ces récits - pour reprendre l’exemple de la pédagogie Freinet, ceux de M. Barré (1995, 1996, 1997) sont sans conteste importants -, il convient de les considérer comme tels et donc de les lire avec prudence, dès lors qu’ils ont la prétention de dire la « vraie » histoire (puisqu’elle est l’émanation du « vécu »). Il faut dire que nombre de travaux d’histoire de l’éducation et de la pédagogie sont le fait d’érudits ou d’amateurs éclairés, comme nous avons le voir maintenant.
4. Pédagogues et pédagogie dans la revue Histoire de l’éducation
La revue Histoire de l’éducation faisant le bilan de ses 20 premières années de publication (1978-1998), fait état de « 8 articles seulement » portant sur les idées et courants pédagogiques mais, comme le fait remarquer l’auteur, ces objets trouvent « traditionnellement une large place dans les revues d’éducation, de philosophie et de sciences de l’éducation » (Gaspard, 2000)4. L’auteur précise que sur la période 1971-1985, les publications en histoire de l’enseignement recensées par la Bibliographie annuelle de l’histoire de France portent pour 57,5% sur la période contemporaine, alors que tous champs historiographiques confondus, en 1975-1995, seulement 47,2 %.des publications recensées par la même source concernait la période contemporaine. Il faudrait en conclure que « comparée à l’historiographie générale, l’histoire de l’éducation privilégie donc toujours assez nettement l’époque contemporaine, par rapport aux périodes antérieures », étant entendu que ceci serait moins dû aux caractéristiques du domaine lui-même, qu’à celles de la population des chercheurs concernés. Mais qui sont ces auteurs ?
Selon Isabelle Havelange (2002, p. 63), « les historiens de l’éducation forment en France une population très diversifiée, se divisant globalement en trois groupes: les universitaires de formation historienne, les universitaires de formation autre qu’historienne, et enfin les non universitaires et les amateurs ». S’appuyant sur le Répertoire des historiens français pour la période moderne et contemporaine (édition de 1991 et 2000) et sur les auteurs qui apparaissent dans la Bibliographie d’histoire de l’éducation dans la période 1991-1995, elle dénombre 578 historiens professionnels auxquels il faudrait ajouter plus d’une centaine d’autres non répertoriés), les universitaires non historiens (appartenant au CNRS ou à d’autres institutions de recherche, professeurs du niveau supérieur…) sont au nombre de 135 auxquels il faut ajouter un peu plus de 300 doctorants. Les « historiens professionnels » représentent 15 % seulement de l’ensemble des auteurs français. L’histoire de l’éducation est donc loin d’être l’apanage des seuls universitaires : elle fait aussi une large place aux historiens amateurs (administrateurs de l’Éducation nationale, érudits locaux, instituteurs, professeurs du secondaire, etc.).
Dans un travail antérieur identique, consacré à la période 1976-1980, Martine Sonnet (1985) avait dressé la liste des personnes dignes du « Panthéon de l’histoire de l’éducation française » en s’appuyant sur l’index des personnes et personnages cités établi chaque année. Les dix premiers cités durant ces cinq années étaient Jean-Jacques Rousseau avec 117 références, puis Célestin Freinet (37), Jean Piaget (33), Émile Durkheim (31), Jean-Baptiste de La Salle (27), Henri Wallon (25), Napoléon 1er (23), Jules Ferry (20), Jules Verne (17)5 et Condorcet (13). De fait, comme le remarque l’auteure, « La Salle et Freinet ne rééquilibrent que médiocrement l’avantage des théoriciens sur les pratiquants » (1985, 36). Chez les femmes, George Sand est citée 6 fois seulement, Montessori 4 fois. Le même travail mené par Havelange entre 1991 et 1995, montre que seuls Jean-Jacques Rousseau (166 références), Célestin Freinet (45), Jean Piaget et Émile Durkheim (43) se retrouvent dans cette liste. Une seule femme, la comtesse de Ségur, figure dans les dix personnages les plus étudiés entre 1991 et 1995 (44 références). Maria Montessori est quant à elle citée autant de fois que Madame de Genlis (12 références), et un peu plus que Madame d’Épinay (11). De fait un seul pédagogue, Freinet (Rousseau est plutôt un philosophe de l’éducation) tire vraiment son épingle du jeu. Faut-il s’en étonner, alors que le mouvement de l’école moderne est encore très actif, et que les universitaires lui consacrent des thèses et études, voire des congrès scientifiques6 ? Si l’on regroupe l’ensemble des figures représentées au moins dix fois entre 1991 et 1995 en cinq catégories (praticiens de l’éducation, philosophes, politiques, littérateurs et professeurs), on remarque que le nombre des références concernant les philosophes est, à peu de choses près, équivalent à celui des professeurs (environ 400 occurrences). Viennent ensuite les littérateurs (353), devançant les praticiens (232 références) qui, quinze ans plus tôt, venaient directement après les philosophes. Les politiques quant à eux (223 références) arrivent toujours en dernier, même si, proportionnellement, ils sont plus étudiés qu’auparavant. Si on avait une lecture bourdieusienne de la manière dont l’histoire choisit ses objets, on pourrait dire qu’elle fait la part belle à ceux qui dominent le champ, et qu’elle traite les dominés en fonction de la position (dominée) qu’ils occupent dans le champ. Mais on peut se demander aussi si l’absence de la pédagogie n’est pas le signe de son incapacité à se définir comme domaine d’étude à part entière ou comme un objet clairement défini.
En ce qui concerne les thématiques étudiées par exemple, la pédagogie ne figure pas parmi les 10 grandes rubriques faisant l’objet d’un classement des sujets de prédilection des historiens (Havelange, 2002). On y trouve bien la rubrique « Aspects théoriques généraux », où domine encore la philosophie de l’éducation7, où le genre biographique (d’éducateurs, de pédagogues, de théoriciens), passe de 20,8% en 1976-1980 à 41% entre 1991 et 1995), mais où l’histoire des mouvements et courants pédagogiques fournit moins de 12% des références contre 15% entre 1976 et 1980). Cette rubrique à connotation « pédagogique », qui ne représentait que 8,6% en 1976-1980 tombe à 4,2% de la production totale sur la période 1991-1995, marquant ainsi la très faible place des questions pédagogiques dans l’historiographie de l’éducation de cette fin de siècle.
L’étude de Gaspard, déjà évoquée, apporte quelques compléments intéressants : les comptes rendus d’ouvrages jouant un rôle important dans la politique éditoriale de la revue, 816 d’entre eux ont été recensés dans la période étudiée (1978-1998). Ils représentent sans doute selon l’auteur, « une proportion très significative de la production en histoire de l’éducation durant vingt années, tout au moins de la production française ». Si elle traduit quelques priorités de la revue (sources, méthodologie, histoire des disciplines) et reflète les tendances majeures de l’historiographie récente, elle marque aussi, selon l’expression de l’auteur, « quelques renoncements » concernant en particulier l’histoire des idées pédagogiques. Ainsi parmi les ouvrages recensés (908 au total, certains ayant une double indexation), 68 seulement concernent l’histoire de la pédagogie (soit à peine 7,5%), dont 38 sont classés dans la catégorie « Théories, courants, pratiques » et 33 dans la catégorie « Grands pédagogues ».
Faut-il en conclure que la place limitée qu’occupe la pédagogie dans les revues historiques – et plus particulièrement dans les revues d’histoire de l’éducation - témoigne du mépris de celles-ci à l’égard de la pédagogie elle-même où de ceux qui la font ? Où bien faut-il chercher ailleurs les raisons de cette situation singulière ? Les raisons sont sans doute multiples et non exclusives. Si l’on peut invoquer la faiblesse relative de la recherche en histoire de l’éducation, force est de constater qu’on assiste, depuis plusieurs décennies, au développement de la recherche historique, dont la qualité est désormais unanimement reconnue. Les véritables raisons de ce déficit de recherche sur les pédagogues et la pédagogie sont peut-être ailleurs, dans la nature même de l’objet d’étude : d’une part parce qu’il est difficile à cerner, la pédagogie ayant elle-même du mal à définir clairement son champ et son objet ; d’autre part parce que c’est un objet qui s’origine dans la pratique, dont les acteurs ne sont pas aisément identifiables, et dont l’extension est variable (courants, mouvements, etc.). Il n’est pas étonnant dans ces conditions que les historiens de la pédagogie se recrutent pour un certain nombre d’entre eux chez les acteurs eux-mêmes, chez leurs compagnons de route, ou chez ceux qui partagent leur idéologie pédagogique et/ou politique. L’exemple de l’histoire du mouvement Freinet illustre assez bien cela ; il en est de même de la pédagogie institutionnelle ou du courant de la pédagogie libertaires, qui « produisent » en quelque sorte leurs propres histoires. Il n’est pas sûr qu’il faille s’en offusquer, dès lors qu’elles sont souvent les premiers pas d’une historiographie plus approfondie.
L’histoire de la pédagogie s’est longtemps circonscrite à la longue durée, une sorte d’histoire immobile ou les auteurs et leurs œuvres sont définitivement fixés. Faire une histoire de la pédagogie, ce ne serait pas faire une étude du temps de l’enseignement8, mais faire une étude des formes de temporalité dans lesquelles la pensée et l’action sont inscrites et qu’elles contribuent en retour à produire. Mais allons plus loin et essayons de voir si l’on peut approcher l’histoire de la pédagogie autrement que comme la compilation d’hagiographies, l’histoire des doctrines, le comparatisme textuel, le « reconstructivisme » ou la fabrication de typologies9. Sans révolutionner l’histoire de la pédagogie, la notion de régime d’historicité pourrait, à tout le moins, contribuer à penser autrement les temporalités à l’œuvre dans l’action et le discours pédagogiques.
1 Selon Nanine Charbonnel, la première Histoire de la pédagogie en langue française serait l’œuvre d’un suisse romand, directeur d’École Normale, Jules Paroz. Son Histoire universelle de la pédagogie, aurait directement inspiré Compayré (Charbonnel, 1988, p. 129, note 269).
2 C’est l’objet du tome II de l’Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le seizième siècle, intitulé « Conclusion. Esquisse d’une théorie de l’éducation » et qui, pour reprendre les termes extraits du rapport Gréard « essaient de recueillir les éléments d’une théorie rationnelle de l’éducation » (Appendice à l’ouvrage, de Gréard, p. 414).
3 N. Charbonnel fait justement remarquer qu’en pédagogie comme en éducation, tout est problème, sans que ces « problèmes » soient véritablement définis, et sans qu’on sache précisément quelles questions ils soulèvent (Charbonnel, 1988, p. 165-169).
4 L’explication est toutefois discutable, si on regarde d’un peu près les contenus des revues « généralistes » auxquelles il est fait référence. Sur les dix dernières années par exemple, très peu d’articles portent en effet sur l’histoire de l’éducation et encore moins ont un rapport direct avec l’histoire de la pédagogie ou des pédagogues. Par exemple, un seul dans la Revue Française de Pédagogie (Houssaye, 2006) ; un numéro spécial : « La pédagogie : entre discours et pratiques » dans la revue Les sciences de l’éducation. Pour l’ère nouvelle (vol. 39, n° 4, 2006), et dans la même revue, un article de 2008 sur la pédagogie « autour de mai 68 » (Robert, 2008), un article sur « Alain et la réflexion républicaine sur l’école » (Jacomino, 2010), un autre sur les premières écoles nouvelles (Gutierrez, 2006) et sur le Dictionnaire de pédagogie de Buisson (Denis, 2006), quelques ressources dans le « Musée pédagogique », publiées épisodiquement ; un numéro spécial de Carrefours de l’éducation sur l’histoire de l’éducation nouvelle (n° 31, 2011), une histoire des pratiques pédagogiques de natation scolaire (Auvray, 2010), un article sur le modèle d’éducation lancastérien (Ruolt, 2013), une autre sur le constat du non changement en pédagogie (Houssaye, 2011) et sur la tache aveugle de l’Emile (Soëtard, 2012).
5 La présence de Jules Verne peut s’expliquer par le 150ème anniversaire de sa naissance en 1978.
6 Citons par exemple les travaux princeps de Clanché sur le texte libre (1976) et l’enfant écrivain (1988). Citons également le symposium qui s’est tenu à Bordeaux les 26-27-28 mars 1987 dont les actes ont été publiés sous le titre Actualité de la pédagogie Freinet (Clanché, Testanière, 1989) ; le colloque international coorganisé par l’université de Bordeaux et l’ICEM dont les actes ont été réunis sous le titre : La pédagogie Freinet. Mise à jour et perspectives (Clanché, Debarbieux, Testanière, 1994) ; le colloque du 23 octobre 1996 à Caen et la publication des actes : Freinet, 70 ans après (Peyronie, 1998).
7 Dans son historiographie de l’éducation, de 1976 à 1980 déjà citée, Martine Sonnet écrit : « L’approche abstraite des “Aspects théorique et généraux”, par le biais de la philosophie de l’éducation, est indiscutablement plus prisée que l’approche concrète par le biais de l’histoire des mouvements pédagogiques dont le développement tarde à venir » (1985, p. 28).
8 Voir sur ce point l’excellent ouvrage de M.- P. Chopin, Le temps de l’enseignement (2011) qui étudie, comme l’indique le sous-titre, « l’avancée du savoir et la gestion des hétérogénéités didactiques dans la classe », et fait de l’enseignant, « le véritable auteur du temps » dans sa classe.
9 On reprend ici quelques éléments de la critique de l’histoire de la pédagogie par N. Charbonnel (1988), inspirés d’un article de Rosanvallon, et qui appelle, en référence à celui-ci, à une « histoire conceptuelle du pédagogique ».